Jouer dehors, les bénéfices

Jouer dehors, les bénéfices

Jouer dehors, reconnecter les enfants avec la nature, investir l’espace extérieur dans les milieux d’accueil, sortir par tous les temps… Voilà une thématique parfois peu explorée et pourtant si importante et indispensable pour le développement de l’enfant. En effet, de nombreuses recherches montrent les bénéfices du contact avec la nature et du jouer dehors ; tant au niveau de la santé physique des jeunes enfants, que sur leur santé émotionnelle et cognitive.

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Laurène Trevisan, Conseillère pédagogique

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Les milieux d’accueil ont une grande influence sur le niveau global d’activité physique des enfants (Finn, Johannsen, & Specker, 2002) et sur le temps qu’ils passent à l’extérieur. En effet, beaucoup d’enfants n’ont pas la possibilité de jouer dehors chaque jour sous la surveillance de leurs parents (Tandon, Zhaou, & Christakis, 2012). Dégager du temps au quotidien et trouver un endroit approprié pour jouer peut-être difficile. Les parents qui vivent dans des quartiers urbains, sans jardin, peuvent ne pas laisser leurs enfants jouer dehors afin de les protéger des problèmes de sécurité du quartier (Farley, Meriwether, Baker, Watkins, Johnson, & Webber, 2007). De nombreux jeunes enfants passent maintenant les heures qu’ils passaient auparavant à jouer à « cache-cache » dehors à regarder la télévision et à jouer à des jeux vidéo. Bien que les technologies et les écrans apportent, eux aussi, certains bénéfices, cette migration du jeu du jardin vers les écrans a conduit à ce que Richard Louv (2005) appelle le « trouble déficitaire de la nature ». Même s’il ne s’agit pas d’un diagnostic médical, R. Louv souligne que l’augmentation des dépressions infantiles, de l’obésité et de la réduction de la durée d’attention sont le résultat de ce trouble déficitaire de la nature.

Pourtant, les enfants sont intrinsèquement motivés à bouger lorsqu’on leur donne des temps de jeu prolongés dans des environnements où la vie végétale et animale est abondante. Dans une étude réalisée sur deux ans, Bell, Wilson, & Liu (2008) ont constaté que les enfants qui vivaient dans des quartiers plus verts avaient moins de chances de gagner en indice de masse corporelle que les enfants qui vivaient dans des quartiers moins verdoyants. Les espaces de jeu extérieurs avec une végétation abondante augmentent l’activité physique par rapport à celle des structures de terrain de jeu typiques produites commercialement et installées sur du béton (Trost, Ward, & Senso, 2010). Améliorer l’activité physique des enfants et réduire l’obésité infantile passe donc par les amener à jouer dehors.

« Si vous regardez un enfant jouer dehors, vous remarquerez qu’il fait beaucoup d’exercices physiques, il coure pendant des heures, creuse, grimpe. Si vous lui demandiez de le faire, il ne le ferait pas mais il le fait parce qu’il joue. Vous n’aurez pas ce niveau d’activité physique avec autre chose » (Penny Wilson)

Les petits rochers et les collines incitent les enfants à grimper ou à courir vers le sommet tout en utilisant leurs muscles pour s’équilibrer et s’adapter aux terrains « accidentés ». Fjortoft (2001) a constaté que les enfants qui jouaient dans la forêt avaient de meilleures capacités motrices que les enfants qui passaient leur temps sur le terrain de jeu traditionnel. D’autre part, être dehors permet aux enfants d’apprendre à reconnaître et maîtriser les dangers (Prott, 2010). 

De plus, les avantages du jeu en plein air régulier se poursuivent plus tard dans la vie. Il est clairement démontré que l’attitude d’un enfant à l’égard de l’exercice donne les bases de leurs habitudes en tant qu’adulte (Bird, 2004). D’après une étude de 2009 (Pretty, J. & al), l’exposition au monde naturel peut même permettre aux gens de vivre plus longtemps et apporte un niveau de satisfaction accru par rapport à la vie en général (Reynolds, 2011).

Au-delà de l’aspect physique, jouer dehors amène des bénéfices cognitifs. Plusieurs études ont montré que le jeu extérieur dans un environnement riche en nature avait un impact positif sur la concentration des enfants, qui était accrue après leur retour à l’intérieur (Holmes, Pelegrini et Schmidt, 2006). En effet, Faber Taylor et Kuo (2009) ont constaté qu’une promenade de vingt minutes dans le parc augmentait l’attention des enfants atteints de TDAH, ils ont suggéré que les « doses de la nature » pourraient être un outil sûr et peu coûteux pour aider les enfants atteints de TDAH. D’autres études similaires (Faber Taylor & Kuo, 2009 ; Kuo & Faber Taylor 2004) montrent le même constat, les symptômes de TDAH sont moins présents après avoir joué à l’extérieur.

Les bénéfices cognitifs du contact avec la nature ne se constatent pas que sur les enfants atteints de TDAH, en effet, plusieurs chercheurs dont, Aric Sigman (2007), ont démontré que les enfants exposés à la nature de manière régulière obtenaient des « scores » plus élevés en termes de concentration et d’autodiscipline, ont davantage conscience d’eux-mêmes, développent plus de raisonnement et de capacités d’observations, ont de meilleurs résultats en lecture, écriture, mathématiques, sciences et études sociales et sont meilleurs pour travailler en équipe.

De plus, exposer les jeunes enfants à la nature permet de développer une conscience de l’environnement et un respect du monde naturel (Wilson, 1993). La curiosité des enfants sur la nature amène de l’émerveillement, de l’exploration, de l’action et aussi des questionnements. La motivation intrinsèque des enfants à observer ce qui l’entoure, examiner les plantes, les pommes de pins, les petits insectes, écouter les sons des oiseaux, toucher le sol humide… amène une grande variété d’informations cognitives et sensorielles qui ne sont pas disponibles à l’intérieur. Ils utilisent tous leurs sens lorsqu’ils explorent. Leur créativité est également stimulée car la nature inspire de nombreux jeux.


Le jeu dans la nature amène également des bénéfices sociaux et émotionnels. Une plus grande activité physique, favorisée par le jeu en extérieur, favorise une meilleure santé mentale et une enfance sédentaire entraîne davantage de problèmes de santé mentale (Sallis & James). Jouer dehors apaise les enfants (comme les adultes d’ailleurs) ; une méta-analyse de plus de 100 études (Kahn, 1999) conclut qu’un des facteurs les plus importants pour la réduction du stress est la fréquentation de la nature. L’exposition à l’environnement naturel peut réduire le stress mais aussi les comportements agressifs chez tous les enfants, et leur donner une plus grande estime d’eux-mêmes.

Être en contact avec l’extérieur est riche pour leur imagination car cela amène des scénarios de jeux différents de l’intérieur. Des dynamiques de groupe et de relations se mettent en place. Ce sont souvent les enfants qui dirigent les jeux à l’extérieur (alors que les adultes proposent souvent des activités à l’intérieur), ce qui permet de développer un sentiment de compétence et de confiance en soi. Les jeux avec la nature offrent également des possibilités pratiques pour apprendre aux enfants à se soucier des autres et à se développer une attitude attentionnée et respectueuse pour tous les êtres vivants (Basile & White, 2000). 

Les différentes recherches prouvent qu’il est vraiment bénéfique de sortir avec les enfants. En milieu d’accueil, ouvrir la porte au jeu de la nature n’est pas aussi difficile qu’il n’y paraît. Faisons un pas à la fois, en commençant par débloquer du temps pour aller dehors. Beaucoup d’activités, qui se font à l’origine à l’intérieur, peuvent prendre place en plein air. Même les repas et les siestes peuvent être réalisables à l’extérieur (Torquati, Gabriel, Jones-Branch, & Miller, 2011).

Si le milieu d’accueil a la chance d’avoir un extérieur, il est possible de l’aménager ; planter des arbustes pour créer des espaces « cachés », installer des bacs à potager, créer une bute, des petites descentes, y mettre une cuisine à popote, réaliser un parcours sensoriel… Si le milieu d’accueil n’a pas d’extérieur, il est peut-être possible de faire une ballade ou d’amener l’extérieur à l’intérieur !

Jouer et grandir dehors amène un développement intégré de l’enfant « en lui proposant de riches stimulations sensorielles où il pourra jouer de manière libre et autonome, découvrir et prendre du plaisir dans la nature avec les autres enfants. Ce plaisir s’inscrit dans un lien indispensable avec l’adulte qui, par sa confiance et son accompagnement, invite l’enfant à bouger, manipuler, s’émerveiller et respecter son environnement. » (ONE).